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J'ai tout vendu pour eux - Personnes aidées

J'ai tout vendu pour eux

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Katrin ROHDE - Fondatrice de AMPO
vendredi 28 mai 2010


En 1996, Katrin Rohde a renoncé à sa vie en Allemagne pour s’installer définitivement à Ouagadougou, capitale du Burkina-Faso. Connue de tous sous le nom de "Mama Tenga", Mère Patrie, elle travaille inlassablement pour assurer un avenir meilleur aux enfants des rues.


Racontez-nous qui vous étiez avant de vivre au Burkina-Faso ?

Tout allait bien dans ma vie. Ma librairie au nord de l’Allemagne marchait à merveille. Mon fils John était assez grand pour prendre sa vie en main. J’avais de bons amis. J’avais toujours de la belle musique, de belles motos, je pouvais travailler dans mon jardin, voyager où je voulais et manger ce qu’il me plaisait. Mais quelque-part, il y avait un manque dans ma vie. J’avais toujours été soucieuse de la vérité et de l’honnêteté envers les autres, mais quelque chose avait dû m’échapper, quelque chose de très important.

Comment avez-vous trouvé la réponse à ce manque ?

Lors de mon premier lever de soleil en Afrique, je voyais la saleté et la pauvreté, mais aussi des visages réjouis. Les couleurs, le charme des gens, leur gentillesse et leur modestie me rendaient heureuse. Jamais, je n’avais voyagé avec autant d’insouciance ! D’une manière étrange, les pires difficultés se transformaient toujours en bénédictions ; à chaque problème, il y avait une solution.

La modestie, l’humilité, l’indulgence, la confiance - ces mots, presque bannis du quotidien européen, représentent, ici en Afrique, la base de la vie et retrouvent de nouveau leur sens pour moi.

De quelle manière avez-vous décidé de changer votre vie ?

En Afrique, j’ai trouvé un petit bout de ma vérité : « Que vais-je faire de ma vie ? Je possède trop de choses. Je n’éprouve plus de plaisir à posséder tant de choses dont je n’ai aucun besoin. Et si je donne tout, que va-t-il rester de moi ? Je n’aurai alors rien à perdre puisque je ne posséderai plus rien ! Lorsqu’on est persuadé de la possibilité de changements, il doit être possible de faire tomber les obstacles. » Une fois prise la décision de renoncement, je ne trouve même pas que ce fut un si grand pas ! Il ne me restait plus qu’à vendre et à donner tout ce que je possédais.

Quelle mission vous êtes-vous donnée au Burkina-Faso ?

Je n’ai pas mis longtemps à trouver ma prochaine mission. Depuis le début, le problème des nombreux enfants des rues m’avait frappée. Que pouvais-je faire ? Lors de mes premières recherches, j’étais accompagnée d’un ami … la langue était une grande barrière.

Tous ces garçons vivent de la mendicité, de vols et de mensonges grandioses. Ils sniffent de la colle, fument le ganja et reniflent des diluants pour peinture qui attaquent très vite le cerveau. A cela s’ajoutent des médicaments périmés…

Comment les aidiez-vous ?

Au travail donc ! Pendant des jours, nous avons fait le tour des hôtels pour convaincre les propriétaires de nous donner les restes de nourriture. Et avant tout, nous sommes allés voir ces enfants et avons parlé avec eux ; ils n’avaient plus de visites et étaient abandonnés depuis longtemps par leurs familles.

J’ai loué une maison. La grande entrée fut transformée en école et les garçons dormaient devant, sur la terrasse. Ils étaient toujours plus nombreux et je les trouvais dans des situations les plus épouvantables. Je leur ai fourni un toit, de la nourriture et des médicaments, en échange de la promesse de ne plus prendre de drogues et de vouloir apprendre à lire et à écrire.

Les jeunes vous ont-ils toujours écoutée ?

Tous n’étaient pas aussi sages. D’anciens amis se présentaient devant notre porte, les poches remplies de drogues. Comment mes jeunes pouvaient-ils résister à la tentation ? Sous l’effet de drogues, certains nous ont cambriolés, volés et ont menacé leurs propres frères, d’autres ont fait attaquer et rosser des éducateurs par leurs amis. Après coup, tous regrettent ce qu’ils ont fait !

Chacun doit être responsable de ses actes, même les enfants. Et ces enfants, ici, devaient commencer par l’apprendre. Ainsi, un grand devait s’occuper d’un petit, comme un petit frère, le laver, le nourrir, dormir près de lui. Inoussa s’est dit à peu près ceci : « si Maman me confie Dicko, cela veut dire qu’elle me trouve bien, donc je suis quelqu’un ! Je sais faire quelque chose ! Et alors je peux aussi apprendre à être un homme responsable. Je vais commencer un apprentissage ! » Ainsi grandissait leur confiance en eux-mêmes.

Quelle aide avez-vous trouvée auprès de l’état burkinabé ?

Il a fallu des mois avant que nous ne soyons reconnus par le Service Social, avec lequel nous collaborons aujourd’hui. Je comprends cela, car, que dirions-nous en Allemagne ou en France si soudain, un africain s’amenait et voulait construire un orphelinat !

J’avais fait la demande d’un terrain à la ville. Je n’imaginais pas le temps que cela allait me coûter, des mois, des années même, et plein de cheveux blancs en sus !

Et aujourd’hui ?

Lors de mon premier voyage, si troublant, j’avais écrit, songeuse, dans mon journal : « je me sens comme une chaussette toute seule dans un énorme sèche-linge … ». Depuis, j’y tourne avec mes nombreux enfants et collaborateurs, la vie est variée et excitante. A l’AMPO, il se passe toujours quelque chose, du matin au soir, nous avons des grands et des petits problèmes, des petites et des grandes joies. Et cela nous le gérons tous ensemble, tristes ou joyeux, c’est peut-être cela tout ce qu’il y a dans la vie ?

Merci Katrin.

Vous pouvez, vous aussi soutenir Katrin Rohde et son ONG AMPO en adressant vos dons à la Fondation Servir.




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