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De l'exclusion vers la réinsertion - Personnes aidées

De l'exclusion vers la réinsertion

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Juliette FEDRY - Présidente X-Microfinance
lundi 07 mars 2011


Notre association aide des micro-entrepreneurs à sortir de la pauvreté et les conduit vers une réinsertion dans le système bancaire national.


Bonjour Juliette. Dites-nous ce qu'est X-MicroFinance ?

X-MicroFinance a été fondée en 2006 par un petit groupe d’étudiants de l’Ecole Polytechnique. L’idée était la suivante : aujourd’hui, dans la plupart des pays en voie de développement, la proportion de la population qui possède sa propre entreprise familiale est très élevée (plus de 50% contre 12% en Europe). Or, dans ces mêmes pays, jusqu’à 80% de la population est exclue du système bancaire du fait de sa pauvreté et n’a donc pas accès au prêt afin de faire évoluer sa petite entreprise et augmenter ensuite ses bénéfices. X-MicroFinance a donc été créée pour proposer des microcrédits à ces personnes. Depuis, l’association compte chaque année une vingtaine de membres élèves à l’Ecole Polytechnique, dont un noyau dur d’une petite dizaine de personnes.

Nous avons donc pour objectif premier de répondre à un besoin local de développement économique, au Guatemala, dans la région maya reculée du Quiché. Grâce à 50 ou 100 euros prêtés à une personne pour développer un micro-projet, nous espérons pouvoir lui permettre de s’assurer un revenu un peu plus élevé et régulier. Nous souhaitons alors inciter nos emprunteurs à investir dans des "biens durables" (plutôt que dans des biens de consommation). Aussi voulons-nous, à long terme, que, grâce aux bénéfices tirés de leurs micro-projets, ils puissent envoyer leurs enfants à l’école au moins jusqu’à ce que ceux-ci parlent et écrivent l’espagnol – condition sine qua non pour la sortie de l’exclusion des populations indigènes mayas du Guatemala.

Quand les étudiants se déplacent-ils au Guatemala ?

Nous partons chaque été pour une nouvelle campagne de prêts au Guatemala. Nous sommes deux ou trois équipes de trois étudiants chacune et nous nous répartissons les quatorze aldeas (hameaux) selon des zones géographiques. Nous payons bien sûr nous-mêmes l’intégralité de nos frais (avion, hébergement et nourriture, etc.). Sur place, nous disposons de l’argent remboursé l’année précédente ainsi que des nouveaux fonds récoltés en France. L’été dernier, pour la campagne 2010, cela représentait 37.000€ d’encours que nous avons répartis entre 274 bénéficiaires.

Comment fonctionne le turn-over d’une année sur l’autre ?

Chaque année, dans chaque équipe, il y a deux étudiants en première année, qui connaissent peu le projet, et un étudiant de deuxième année qui a travaillé sur le projet durant toute l’année. Ce système permet de transmettre nos connaissances ; en effet les étudiants de première année sont guidés sur place par le deuxième année qui les accompagne, ce qui réduit le temps d’adaptation. Ensuite, ces étudiants de première année seront amenés, à leur retour du Guatemala, à reprendre le suivi du projet en France, et seront à même de le faire grâce à l’expérience acquise sur place.

Comment les habitants des villages vous accueillent-ils ?

L’accueil dans les différents villages est toujours extrêmement chaleureux. Certes, nous sommes jeunes, blancs, et "venons avec l’argent". Mais, grâce à nos partenaires guatémaltèques, notre relation avec la population locale est incomparable. Ils nous permettent d’instaurer une véritable relation de confiance : nos emprunteurs potentiels savent qu’ils peuvent nous faire confiance puisque nous sommes recommandés par des hommes de leur peuple, qu’ils connaissent. Inversement, nous savons que la très grande majorité des personnes qui nous demande un prêt est honnête avec nous. Ceci évite la suspicion des deux côtés et permet de véritables échanges.

Avez-vous des correspondants sur place ?

Nous avons trois correspondants sur place. Deux hommes, Miguel et Jose, qui sont tous deux présidents d’associations locales pour le développement, respectivement : CONCODIG (Conseil National des Communautés pour le Développement Intégral du Guatemala) et CCPC (Centre de Convergence Participation Communautaire). Ces deux hommes ont permis le lancement de notre projet de microcrédit sur place et tiennent beaucoup à ce que nous développions cette activité. Ils croient que leur peuple doit apprendre à gérer un budget, à gérer un projet afin de créer de la richesse localement, d’envoyer régulièrement et longtemps les enfants à l’école et donc de sortir petit-à-petit de l’exclusion et de la pauvreté. Miguel et Jose nous introduisent dans les villages dont ils connaissent les responsables locaux et nous accompagnent chaque année pour les toutes premières visites.

D’autre part, nous avons également depuis deux ans une employée sur place : Lucrecia. L’été, Lucrecia nous accompagne dans les villages et traduit les conversations entre Espagnol et Quiché, la langue locale. Durant l’année, elle passe tous les mois dans chacun des quatorze villages dans lesquels vivent nos emprunteurs afin de collecter les quittances qui prouvent que ces personnes ont bien remboursé la mensualité due. Elle vérifie ensuite ces données puis les saisit sur une plate-forme internet que nous avons développée. Les trésoriers de l’association en France vérifient alors une nouvelle fois ces renseignements. Lucrecia nous tient également informés des raisons de tout problème dans les remboursements, puis nous cherchons ensemble une solution adaptée, le plus souvent au cas par cas.

Quel succès rencontre le micro-crédit dans les villages ?

Le microcrédit rencontre un franc succès principalement auprès des femmes des hameaux que nous visitons, notamment parce que les hommes ont souvent un métier d’ouvrier dans le village le plus proche. En moyenne, dans chacune des quatorze aldeas, nous prêtons à cinq groupes solidaires composés chacun de cinq personnes. Plus de trois quarts de nos bénéficiaires demandent chaque année le renouvellement de leur prêt l’été suivant. Mais notre objectif n’est pas de rendre nos emprunteurs dépendants de notre association ; bien au contraire ! Nous souhaitons les amener à se réintégrer dans le système bancaire traditionnel. Ainsi, lorsque leur projet a atteint une ampleur suffisante pour être crédible face à une banque traditionnelle (ce qui correspond à un prêt de 500€, soit en général le montant demandé après quatre prêts chez nous), nous réorientons ces personnes vers les banques traditionnelles locales. Pour nous, bien qu’un tel départ nous serre chaque fois un peu le cœur, c’est tout de même une belle réussite !

Comment les bénéficiaires de prêts sont-ils sélectionnés ?

Les projets que nous finançons peuvent être assez variés. Parmi eux, l’on trouve beaucoup de projets agricoles (culture de tomates, de maïs, de haricots ou encore élevage de poules, d’un cochon, etc.) ainsi que de projets artisanaux (tissage, bougies, couture, boulangerie, etc.). Nous prêtons également à des maçons, des charpentiers afin qu’ils puissent s’équiper mieux, ou encore à des "tiendas" (épiceries locales) afin qu’elles puissent augmenter et diversifier leurs stocks pour répondre à la demande très forte.

Indépendamment donc, du type de projet, nous accordons un nouveau prêt, souvent un peu plus conséquent, à tout groupe qui a remboursé entièrement et régulièrement le montant de son microcrédit l’année précédente. En ce qui concerne les nouveaux prêts, nous essayons de nous assurer en discutant avec la personne, qu’elle a véritablement réfléchi à la mise en place de son projet. Par exemple, dans le cas d’un élevage de poules, nous demandons quand, au cours de l’année à venir, vont avoir lieu les différentes dépenses et recettes liées au projet afin de s’assurer que le projet est cohérent. Nous demandons également combien d’animaux la personne souhaite acheter avec notre prêt, combien vont lui coûter la nourriture, les vitamines et vaccins pour ces animaux, puis combien elle va les revendre au marché, afin de s’assurer que le projet est rentable. Nous vérifions également qu’elle est en relation avec une personne du même village qui tient ce type d’élevage depuis plusieurs années et sera en mesure de l’aider afin que ses poules ne soient pas victimes d’une épidémie. Ce procédé garantit en général un bon remboursement du prêt, ce qui signifie également, et surtout, un apport supplémentaire de revenus régulier pour notre bénéficiaire.

Avez-vous une ou deux belles réussites de micro-crédits à nous raconter ?

Pour terminer, je vous emmène donc avec nous sur les chemins du Guatemala ! Venez ! Nous allons dans la région des hauts plateaux, au centre du pays, près du village d’Uspantan. Ici vit Elssy qui a contracté un premier prêt chez nous l’été 2009, d’un montant de 150€. Avec ce prêt, elle avait acheté un petit stock de vêtements pour enfants qu’elle a ensuite revendus un peu plus cher en porte-à-porte. Au cours de l’année, avec les bénéfices accumulés, Elssy n’a pas voulu se contenter d’acheter quelques lots de vêtements supplémentaires pour continuer une petite activité routinière qui lui permettait "d’arrondir un peu ses fins de mois". Non, Elssy a vu plus grand ! Avec la vente de vêtements durant les six premiers mois de son prêt 2009, elle avait gagné et économisé suffisamment pour acheter cette fois-ci un stock de boissons gazeuses, choisies uniquement parmi les sodas de la marque locale maya India Quiché ainsi qu’un réfrigérateur pour les maintenir au frais ! Mais ce n’est pas tout, Elssy, en fine entrepreneure, a également décidé de s’implanter en face de la sortie du stade du village d’Uspantan. Vous l’avez compris ; la petite boutique d’Elssy est maintenant devenue le point de rendez-vous incontournable des sportifs assoiffés après l’entrainement de football ! Ce qui fait bien sûr le bonheur de notre vendeuse ambulante, devenue véritable micro-entrepreneure, qui est ainsi parvenue, en une seule année à obtenir des bénéfices de plus en plus importants et de plus en plus réguliers. Ses remboursements ayant été complets et ponctuels, nous avons accepté, cet été de renouveler et d’augmenter son prêt afin qu’elle puisse continuer à développer son petit magasin !

Mais laissez-moi vous emmener encore un peu plus loin, sur la route de Chichicastenango. Nous allons à la rencontre des femmes de l’aldea de Chicua Uno. Ici, l’activité principale est la confection d’objets en tissus colorés : sacs, trousses, porte-monnaie à destination des touristes mais aussi broderie de hauts traditionnels mayas. Cet été, alors que les femmes de ce village s’apprêtaient à emprunter chez nous pour la quatrième année consécutive, nous avons voulu comprendre un peu mieux les raisons du succès de leurs projets. Nous avons alors été étonnés par leur capacité à s’organiser entre elles, à développer des réseaux locaux, de véritables petites filières commerciales pour leurs produits. En effet, chaque mois, un homme du village collecte les produits que chacune destine à la vente aux touristes. Cet homme part alors pour la capitale du pays, Guatemala Ciudad, à deux heures de route du village. Là, il vend en semi-gros les productions des femmes de son village à un marchand qui revend ensuite au détail ces articles sur les marchés des zones du pays très prisées par les touristes. Mais là-encore, ces femmes ont le goût d’entreprendre et pensent déjà à la recherche de nouveaux marchés. Cet été, elles nous ont demandé de les aider à exporter en France leurs produits ! Pour elles, nous préparons donc la mise en place d’une petite filière d’importation, pour laquelle nous chercherons à obtenir un label équitable.

Notre association n’est présente dans ces villages que depuis quatre ans, et nous espérons réussir, au fil des étés, à accompagner des projets aussi prometteurs que celui d’Elssy ou bien encore ceux des femmes du village de Chicua Uno jusqu’à ce qu’ils volent de leurs propres ailes vers les prêts traditionnels, portant ainsi leurs micro-entrepreneurs d’une situation de pauvreté et d’exclusion vers la réinsertion dans le système bancaire national, et donc, progressivement, vers la réinsertion au sein la société guatémaltèque.




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